Nous discutions entre jeunes gens, avec insouciance et désinvolture, sur le parvis du lycée. Il y avait là quelques personnes dont la compagnie m’était fort agréable, notamment une blondinette aux traits fins et aux yeux d’un violet aigu.
C’est alors que je m’entretenais avec elle, me semble-t-il, qu’elle perdit soudain son oeil gauche, qui tomba et s’en alla rouler sur le bitume du parvis sans qu’elle n’esquisse de geste pour le rattraper. Ayant suivi sa chute du regard, je reculai, quelque peu étonné, de crainte de l’envoyer plus loin par inadvertance. Je relevai alors la tête et la regardai — elle gardait le sourire, sans paraître s’émouvoir de son orbite vide dans laquelle pendait une paupière désormais inerte.
— J’ignorais que tu avais un œil de verre, lui lançai-je.
— Ça ?
Du menton, elle désignait le globe qui avait roulé à ses pieds parmi la poussière et les gravillons, traînant curieusement derrière lui un discret lambeau rouge de nerf optique.
— « Non non, c’est un vrai. », répondit-elle en l’écrasant nonchalamment de la pointe du pied, dans un bruit d’éclaboussure.
7 janvier 2001.